Description
Crédits
« Ça va ça vient »
Un film de pierre Barouh de 1970
SHL 2134 (Distribution : SOCADISC)
Avec :
Areski Belkacem
Elie Garguir
Jérôme Savary avec sont grand Magic Circus et ses animaux tristes
Coyotte
Philippe Montaigu
Magali
Lucien Le Camelot
Et les gens de Paris….
Images :
Michel Humeau
Assistant :
Robert Destanques
Montage :
Chantal Colomer
Roger Pyot
Mixage :
Pierre Vuillemin
Studio SIS
Script :
Badoud Rappeneau
Assistants :
Eric De Barge
François Manceaux
Produit par :
Pierre Barouh – Gérard Cohen – Killy SA – Paul Rodcage
Producteur délégué :
Claude Nedjar (N.E.F) – Maurice Urbain
Titres extrait du film :
« L’horaire et le temps »
(Pierre Barouh / Anita Vallero)
« Ça va ça vient »
(Pierre Barouh – Jérôme Savary)
Bonus « Ça va ça vient » De Pierre Barouh (2011)
Avec :
Jérôme Savary
Michel Cantal-Dupart
Benjamin Rassat
Montage :
Guillaume Diamant – Berger
Production : Saravah -2011
Sous-titrage :
Lizard – Cse
Traduction :
Anglais :
Aviva Cashmira Kabar
Japonais :
Atsuko Ushioda
Authoring :
joël Vitu – A l’est
Illustration :
D.R.
Conception graphique :
Frédéric Hallier
Presse
ÇA VA ÇA VIENT
Film de Pierre Barouh
La paix du matin à la campagne. Epis mûrs et chants des zoziaux. C’est une feinte : paix de très courte durée. Un panoramique sournois découvre, sur notre droite, une falaise d’HLM. Cette campagne n’est jamais qu’une banlieue. La banlieue. Et la falaise s’avance. Fin des épis mûrs et des zoziaux.
Prière de conserver ces épis au fond de notre regard, ces cuicuis au fond de notre oreille. Ils ne vont cesser d’agir. En profondeur. C’est l’image d’un bonheur facile, naturel, à la portée de tous les regards et de toutes les oreilles, mais voilà, ceinture, la ville est là qui t’appelle et qui te bouffe. Métro, boulot, dodo : on connaît la formule. C’est avec ça qu’il faut bien s’arranger pour vivre. Ces existences ont tout de même leurs petites joies, l’épouse qu’on aime bien et qu’on retrouve le soir, l’idée des enfants qu’on aura, les potes, le plaisir de l’apéro au bistrot familier, ce qu’est l’été même à Paris, la gentillesse populaire dans un marché du Paris parigot, camelots et mémères. Je le répète, faut faire avec. Il arrive que cela ressemble au bonheur.
N’empêche : le bol d’air, les fesses dans l’herbe douce, le ciel qu’on boit à la régalade sans qu’il cesse de faire de la musique, cette fabuleuse paresse, ce loisir, le temps qu’on prend de sentir le temps glisser. Cela n’existe plus qu’à l’idée de nostalgie assoupie, vague souvenir d’un paradis perdu. Nostalgie. Qui apparaît par intermittences, bouffée de mélancolie nuageuse, dans le geste devenu plus lent, plus las, ou le regard soudain brumeux de cet ouvrier à qui Barouh a choisi d’attacher ses pas.
« Ça va, ça vient », c’est 48 heures de la vie d’un ouvrier maçon, un Algérien qui bosse sur un de ces chantiers occupés à transformer le visage (et le corps et l’âme) de Paris. On tue le vieux Paris populaire, le Paris des bistrots, des marchés en plein air, des jardinets à lilas et à ruelle (dans le film de Barouh, il s’agit précisément de l’assassinat de Belleville), pour installer sur ces ruines un Paris résidentiel, un Paris chic, qui ne comptera plus que des beaux quartiers…Insidieuse opération qui vide, par la même occasion, Paris de sa population populaire. On assainit, c’est à dire qu’on embourgeoise. L’idée n’est pas neuve. Les urbanistes flics à la Rambuteau ou à la Haussman ont toujours veillé à démanteler le Paris révolutionnaire. Aujourd’hui, on le vide. Le populo se voir refoulé sur la périphérie. Les falaises des HLM. On s’en fout que ce déplacement de population signifie, pour les « personnes déplacées », des heures de transport en plus, donc de fatigue, et coetera. On s’en féliciterait plutôt.
Le maçon de Barouh, Areski, fait donc la navette entre son HLM de banlieue et son chantier parisien, qui éventre un quartier dont les habitants devront à leur tour s’exiler dans les HLM de banlieue. Ça va, ça vient, c’est la vie. Matin et soir : la navette. Areski ne se pose pas trop de questions. A part la brume, parfois, dans l’œil.
Jusqu’au soir où il y a comme une fêlure, une faille. Un incident en apparence banal mais qui rompt le rythme, qui casse l’habitude, réveille Areski de son assoupissement. Une grève des transports donne à la ville l’allure insolite du désordre avec ce que ce désordre implique de dérangements dans les habitudes assoupissantes, donc de liberté inattendue, de soudaine disponibilité. Sur ce premier désordre, un deuxième se greffe : une rencontre. Celle de gens qui refusent la règle du jeu, métro-boulot-dodo : Jérôme Savary, son grand Magic Circus et ses animaux tristes. Ils mènent cette vie libre que les bourgeois appellent (c’est pour la condamner) la vie de bohême. Leur goût de la fête transforme cette vie de bohême en permanente grève d’été. D’une acceptation qui ne songeait même pas à se considérer comme une résignation, Areski glisse à un refus, une dérobade, une démission, qui ne songe même pas à se prendre pour une révolte. C’est infiniment plus simple, plus terre à terre. En a-t-il seulement marre, Areski ? Non. Il décroche, c’est tout. Sans éclat. Presque sans y penser. Comme ça. Naturellement. On retrouve les fleurs et les petits zoziaux.
Et voilà que le film, au lieu de se boucler, s’ouvre au maximum. Tout est suspendu. Tout est possible. Rien ne finit, Ça va, ça vient. La vive séduction du film de Barouh tient à cette liberté d’allure, plus que décontractée : dénouée. Totale absence de prétention, de condescendance populiste, d’ouvriérisme pittoresque. Mais une espèce de candeur souriante qui n’empêche pas l’acuité de l’observation ni la rapidité avec laquelle le regard enregistre les notations fugaces, accumule les touches impressionnistes. Dieu sait si je me méfie de la gentillesse. Mais si l’on donne à la gentillesse une vigueur qu’elle ignore le plus souvent, une force rayonnante, si elle devient synonyme de générosité active, si elle ne se contente pas d’observer et de noter avec sympathie (ce qui est déjà beaucoup) mais va chercher les gens, les accompagne chez eux, à leur boulot, prend la peine non seulement de les regarder vivre mais de vivre avec eux, alors « Ça va, ça vient » déborde de gentillesse.
JEAN-LOUIS BORY
(Le nouvel Observateur)
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